Detlev von Platen : les Porsche électriques seront de vraies Porsche
Pour Detlev von Platen, Porsche a depuis longtemps entamé sa mutation et ne sera pas pris au dépourvu sur l'électrique. C'est même plutôt lui qui va montrer l'exemple, sans perdre son âme. © Porsche/ Bob Mahoney
Pour Porsche, tout va bien. Ou presque. À peine refermées les portes du Salon de Genève où il dévoilait les nouvelles 718 (lire notre article) avec ses Boxster 4 cylindres turbo, Porsche s'est livré à l'exercice attendu de publication des résultats. Avec un chiffre d'affaires en augmentation de 25 %, la firme allemande n'arrête pas sa « success story ».
Tous les curseurs sont poussés à la hausse avec un chiffre d'affaires solide (+ 25 %), un résultat opérationnel conséquent(+ 25 % également), des livraisons au zénith (+ 19 % pour 225 000 voitures) et des effectifs augmentés de 9 % (24 481 collaborateurs). Le propre d'une marque élitiste comme Porsche est d'élargir prudemment la gamme à de nouveaux modèles, une stratégie payante, le Macan ayant confirmé brillamment la démarche amorcée avec la Panamera et le Cayenne.
Avec une rentabilité avant impôt solide (16 %) - la meilleure du monde automobile -, Porsche pourrait se réjouir, mais ce n'est pas le style de la maison. Le problème du diesel aux États-Unis chiffonne les stratèges et une part importante des bénéfices va être réinvestie dans la recherche-développement. Cette R&D, de 5 à 6 % chez les meilleurs, mobilise 10 % du chiffre d'affaires de l'allemand, notamment pour la Mission-e qui sera le modèle fondateur de la gamme électrique. Des hybrides à tous les étages, certes, Porsche s'y emploie déjà largement, mais du tout électrique, c'est désormais pour demain. Nous avons demandé à Detlev von Platen, directeur du marketing et du commerce et membre du board de Porsche, sur quelle route se lançait Porsche.
Le Point Auto : 2015 aurait pu provoquer un mini-séisme pour Porsche avec le problème des V6 Diesel aux États-Unis. Où en êtes-vous ?
Detlev von Platen : Nous avons été très surpris d'apprendre la présence d'un problème sur les moteurs diesel en septembre dernier. Nous avons découvert ensuite que Porsche était concerné le 2 novembre pour les moteurs V6 Diesel, mais pour d'autres raisons que celles liées précédemment aux 4 cylindres. Ce ne sont pas les mêmes dossiers, mais nous avons décidé de suspendre dès le 3 novembre les ventes du seul modèle concerné, le Cayenne diesel. Cela concerne 13 000 véhicules déjà en circulation. On avait d'ailleurs pris beaucoup de temps avant d'introduire le Cayenne aux États-Unis avec le moteur diesel. La seconde génération a en effet reçu un tel accueil que nous n'avions pas de raisons stratégiques d'élargir encore l'offre à une version diesel. Il a fallu auparavant évacuer l'image du diesel aux États-Unis, qui était considéré comme sale et puant, pour tendre vers l'image qu'il a en Europe où il a acquis ses lettres de noblesse. Je précise que, en plus, le diesel est particulièrement bien adapté aux besoins des Américains en termes d'autonomie.
Que doit-on attendre des conséquences d'une telle affaire ?
Nous sommes dans une discussion intense avec des autorités américaines et nous avons convenu ensemble de ne pas divulguer les détails des discussions afin d'éviter toute forme de spéculations. Nous restons confiants et pensons que cette situation sera clarifiée bientôt. Il faut distinguer le cas du quatre cylindres diesel de celui du six cylindres (pas de logiciel truqueur sur le V6, NDLR). Pour notre part, la suspension de livraison du V6 Diesel ne nous a pas fait perdre de vente jusqu'à présent puisque bon nombre de bons de commande ont pu être convertis sur les versions essence. La marque jouit d'une excellente image aux États-Unis et n'a pas été impactée par l'affaire. Sur les autres marchés, les véhicules Porsche Diesel, que ce soit le Macan, le Cayenne ou la Panamera, ne sont pas du tout concernés par les problèmes vécus aux États-Unis puisqu'ils répondent à d'autres normes en vigueur localement. Nous avons eu beaucoup de questions dans le réseau, et notamment pour les pays asiatiques où les organismes de certification ont refait des mesures et déclaré nos modèles conformes.
Vous présentez la 718 avec un moteur « downsizé » de 6 à 4 cylindres. N'est-ce pas une perte de valeur pour une Porsche ?
Le moteur thermique a encore beaucoup d'avenir et il saura s'adapter aux nouvelles contraintes environnementales. Même si je n'aime pas le terme de « downsizing », qui laisse entendre que l'on enlève quelque chose à un moteur existant. Je parlerai plutôt de « rightsizing », c'est-à-dire des technologies qui permettent de maintenir des performances et une puissance équivalentes tout en baissant la consommation et les émissions polluantes. Et l'association d'un moteur thermique plus petit renforcé par un turbo et de la motorisation électrique fait des hybrides crédibles qui ne représentent encore que 0,3 à 0,5 % des ventes actuellement. Mais cette technologie va connaître un développement très rapide dans les prochaines années. Les progrès faits en termes de batteries vont par ailleurs permettre de proposer bientôt une voiture tout électrique avec une autonomie suffisante même si, pour y parvenir, il faudra consentir des investissements afin de tisser un réseau de recharge rapide qui permette de traverser un pays. Notre objectif, avec ces nouvelles technologies additionnées, est d'obtenir 100 kilomètres d'autonomie en 4 minutes de recharge.
Plutôt frustrant pour un Porschiste convaincu, non ?
Rassurez-vous, la voiture qui sortira à l'horizon 2020 sera une Porsche qui aura les performances d'une Porsche. C'est-à-dire capable de reproduire plusieurs fois de suite des accélérations dignes d'une Porsche. Notre expérience en compétition automobile nous a permis d'avancer sur des nouvelles technologies crédibles et de le démontrer. Elles sont pour beaucoup directement transposables à une voiture de série. Nous sommes extrêmement confiants à l'idée d'apposer un blason Porsche sur une voiture électrique.
Tout de même, vous avez une expertise des moteurs thermiques saluée par tous. Comment allez-vous maintenir l'aura Porsche sur une voiture à moteur électrique dont le fonctionnement ressemble à un aspirateur ou à une machine à laver ?
Comme pour un moteur thermique, il y a aussi une façon de se distinguer sur le moteur électrique, et Porsche s'y emploie. Je ne peux pas vous en dire plus, mais vous verrez des solutions typiquement Porsche pour l'électrique. Et puis autour de ce moteur, il reste ce qui fait une voiture différente des autres, à savoir le design, le châssis, les aménagements intérieurs et des équipements embarqués qui signent une Porsche. De plus, l'implantation du moteur plus compact va redonner une nouvelle liberté aux ingénieurs et aux stylistes pour concevoir une architecture et une carrosserie très différentes.
De là à aller à la conduite automatisée, il y a un péril pour le plaisir de conduire Porsche ?
Il faudra beaucoup de temps à une voiture connectée pour se déplacer en autonomie totale, dans toutes les conditions de sécurité requises. Les problèmes sont nombreux jusqu'à la responsabilité juridique en cas d'accident. Il est hors de question que Porsche cesse d'être un constructeur de voitures de sport et d'enlever un jour le volant. À tout moment, la conduite d'une Porsche avec toutes ses qualités sportives restera accessible, au choix du conducteur. Nous sommes extrêmement confiants chez Porsche pour maintenir un esprit sportif qui cohabite avec les nouvelles technologies. Nous l'avons déjà démontré avec la 918 ou nos voitures de course au Mans. Pour la voiture autonome, il nous semble que l'étape d'une conduite automatisée là où c'est ennuyeux, sur autoroute ou pour chercher une place de parking, est déjà un bon objectif.